Chronique d’une catastrophe annoncée (suite)
Déchets nucléaires Image par Dirk Rabe de Pixabay
Du chantier de l’EPR de Flamanville conduit par EDF, à celui de la démolition par Orano de l’ancienne usine d’enrichissement d’uranium « Georges Besse » à Pierrelatte, la perte de savoir faire des opérateurs du nucléaire dénoncée par l’ASN, ne semble pas en cours de résorption, comme en témoignent 2 nouvelles “affaires“.
Recours en Conseil d’Etat contre le décret reportant la mise en service de l’EPR de Flamanville.
Un collectif d’associations de défense de l’environnement (1) ont déposé un recours contre le décret prolongeant de 4 ans le délai de mise en service de cet EPR. Ce qui est reproché au gouvernement c’est d’une part que ce décret a été pris en catimini, au mois de mars 2020 en plein confinement, sans procédure de participation du public, alors que des changements significatifs se sont produits lors de la construction de ce réacteur, changements qui ne correspondent plus aux exigences de qualité initialement prévues. Ces changements significatifs devraient légalement déclencher une nouvelle enquête publique.
Ce collectif d’associations fonde son recours sur les arguments suivants : « Ce décret modificatif (…) passe sous silence le fait que l’état actuel du réacteur, criblé de malfaçons, ne correspond plus à ce qui était exigé dans le décret initial, et qu’EDF ne dispose manifestement plus des capacités financières et techniques requises pour mener à bien le chantier » et que « Au regard de la jurisprudence européenne, se contenter d’une simple modification des dates est donc manifestement illégal ».
Quels sont ces changements significatifs ?
Des défauts ont été découverts dans le couvercle et le fond de la cuve abritant le réacteur, ainsi que pour 8 soudures du réseau de refroidissement du réacteur.
Ce nouveau délai de 4 ans devrait permettre à EDF de réparer ces soudures, situées dans un endroit d’accès particulièrement délicat, au niveau des enceintes de confinement, mais aussi d’effectuer d’autres travaux de finition du chantier.
Rappelons que le chantier de l’EPR a été lancé en 2007, pour un coût prévisionnel de 3,5 Mds € et une mise en service prévue en 2012. Toujours en construction, son coût est aujourd’hui estimé entre 12,5 et 13 Mds € pour une mise en service actuellement repoussée à 2024.
Plainte contre ORANO pour infractions à la règlementation nucléaire et délit de pollution.
4 associations anti-nucléaires et de protection de l’environnement (2) ont porté plainte contre ORANO auprès du procureur de la République de Valence. Cette plainte porte sur 9 infractions à la règlementation nucléaire et pour délit de pollutions des eaux.
Ces infractions et délits auraient été commis sur le site de l’ancienne usine d’enrichissement d’uranium “Georges Besse” de Pierrelatte /Tricastin en cours de démantèlement. (Après avoir cessé ses activités en juin 2012, un décret de février 2020 a prescrit son démantèlement sur une période qui se terminera au 31décembre 2051 !)
Les motifs de la plainte des 4 associations
Ils se fondent sur la pollution constatée de la nappe alluviale du Rhône, qui s’étend sous l’usine. Des traces de solvants toxiques y ont été découvertes (du perchloréthylène et du trichloréthylène). Se fondant sur un rapport de l’ASN d’octobre 2019, ces associations accusent ORANO de ne pas avoir employé les moyens nécessaires pour endiguer cette pollution.
Emploi de moyens inadéquats par ORANO ?
Une installation a été mise ne place en mars 2014 par ORANO, mais selon ces associations celle-ci était conçue pour : « pomper, traiter et réinjecter l’eau de la nappe. Mais elle reposait sur un procédé destiné à empêcher les tuyaux de s’entartrer » et elles reprochent à l’entreprise : « Plutôt que de chercher une solution alternative, Orano Cycle a laissé fonctionner l’installation telle quelle (…). La pollution a donc persisté dans la nappe »…
La réponse d’ORANO
Classiquement, Orano reconnait les faits, mais en minimise les conséquences : il y a des traces de solvants, mais ceux-ci restent à un niveau localisé et stable : « à des niveaux qui n’engendrent pas d’impact sanitaire ». En ce qui concerne le système de pompage et de traitement celui-ci : « fonctionne depuis fin 2019 à raison de trois semaines par mois ».
Rappelons que le démantèlement des installations nucléaires et le stockage des déchets pose de nombreux problèmes, tant pour les techniques que pour les méthodes à employer: toutes les solutions n’ont pas encore été trouvées à ce jour.
Le ministère de la Transition écologique a ouvert le 22 septembre 2020 une concertation sur la gouvernance de la gestion des matières et déchets radioactifs. Cette concertation, qui doit contribuer à l’élaboration de la cinquième édition du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), se tiendra jusqu’au 3 février 2021. Elle est organisée par la CNDP (Commission Nationale du Débat Public): https://www.debatpublic.fr/
« Si je devais utiliser une image pour décrire notre situation, ce serait celle d’un cycliste qui, pour ne pas tomber, ne doit pas s’arrêter de pédaler. »
Jean Bernard Levy, PDG d’EDF, audition sur le nucléaire à l’Assemblée Nationale, le 7 juin 2018
Curly Mac Toole pour le Clairon de l’Atax le 20/10/2020
Notes :
- Greenpeace, Sortir du Nucléaire, France Nature Environnement, CRILAN, Stop EPR ni à Penly ni ailleurs, CRIIRAD, l’Observatoire du Nucléaire⇗
- Sortir du Nucléaire, Stop Tricastin, Stop Nucléaire en Drôme Ardèche, Frapna Drôme Nature Environnement⇗