Le “Clairon” à trouvé utile de faire connaître à ses lecteurs ce témoignage d’une jeune femme présente à la manifestation pacifique de Melle dans le Poitou. Son analyse et son ton modéré contrastent avec les annonces catastrophistes la mise en scène disproportionnée et les brutalités perpétrées par le gouvernement et tout particulièrement son ministre de l’Intérieur.
La rédaction
Accueil au village de l’eau (photo L Waag)
En juillet, à l’approche des Jeux Olympiques de Paris, l’attention mondiale se tourne vers cet événement, tandis que la lutte pour l’eau comme bien commun et pour l’agriculture paysanne continue.
Un an après la mobilisation (et une répression démesurément violente) à Sainte-Soline et malgré l’intensification des protestations anti-bassines, le gouvernement s’obstine à passer en force. L’été dernier, le financement public à 70% des bassines a été vivement critiqué, notamment par la Cour des Comptes, qui a souligné que cette politique retardait jusqu’à mettre en péril les changements nécessaires dans les pratiques agricoles. Les institutions responsables de la gestion de l’eau expriment des critiques et les doutes sur la viabilité des bassines grandissent parmi les irrigants et agriculteurs locaux. Au cours des trois dernières années, quatre bassines en service ont été déclarées illégales, quinze projets annulés pour inadaptation au changement climatique, quatorze sont devenues inopérantes et plusieurs autres abandonnées sous la pression locale.
Et pourtant, le diktat gouvernemental s’impose !
Le ministre de l’Agriculture a récemment annoncé la construction de 100 nouvelles bassines d’ici la fin de l’année, malgré les recours juridiques contre 16 méga-bassines, notamment dans le Marais Poitevin. Des projets ont débuté à Priaires et Épannes, tandis que celui de Sainte-Soline est resté à l’arrêt tout l’hiver. Le gouvernement cherche à qualifier ces infrastructures du label « intérêt général majeur » dans la loi d’Orientation Agricole, pour contourner les recours juridiques et les protections environnementales. Il favorise des dispositifs profitant à quelques grands acteurs de l’agro-industrie, plutôt que d’améliorer les conditions de travail et de revenus des agriculteurs. Les subventions publiques sont détournées vers des projets improductifs pour les terres, au lieu de soutenir une agroécologie adaptée à la crise climatique. Les préfets contestent les décisions de justice et imposent les projets de méga-bassines, promis aux grandes industries, coopératives et négociants à travers la France.
Qu’est-ce qu’une méga–bassine ?
Les méga-bassines, ou réserves de substitution, sont de vastes réservoirs d’eau utilisés pour l’irrigation agricole. Alimentées par l’eau de pluie, elles nécessitent aussi des pompages dans les cours d’eau et les nappes phréatiques, déjà en difficulté pour se renouveler. Elles privent les écosystèmes d’une ressource vitale, essentielle notamment à la régénération des zones humides et des sols en hiver. Controversées, elles posent des problèmes en termes de gestion des ressources en eau, de coûts élevés, d’inégalités d’accès, et de manque d’adaptation au réchauffement climatique.
Pour en savoir plus sur les méga bassines : Lien vers un article de Greenpeace France : “Mégabassines : pourquoi s’y opposer ?”.
Un lieu pour débattre, s’informer, se former, célébrer nos luttes et construire l’avenir
(Photo L Waag)
Du 16 au 21 juillet, le “Village de l’eau” s’est installé à Melle dans le Poitou, avec le soutien de la municipalité, sur des terrains et équipements fournis par la mairie et les agriculteurs locaux. Pendant cette semaine, 6 à 7000 participants, militants ou de passage, se sont réunis sous les chapiteaux (Chap’Loutre, Chap’Outarde, Chap’Libellule) pour s’informer, débattre, et rencontrer des personnes engagées dans la défense des communs de divers pays (Brésil, Californie, Chili, Colombie, Espagne, Maroc, Mexique) et aussi pour danser, faire corps, et se charger d’une énergie puissante et collective.
Le programme comprenait des visites de la ferme de l’Argentière, des rassemblements sous des chapiteaux noirs de monde, pour écouter des conférences sur les grands barrages, les soulèvements populaires et les constituions écologiques et sociales en Amérique Latine, ainsi que la résistance palestinienne face à l’accaparement de l’eau. Se sont tenus : des Assemblées et débats comme l’AG queer-féministe, des jeux au bord de la rivière pour expérimenter des modalités originales de déplacement collectif, une sélection titanesque de la bibliothèque des luttes, des projections, tables rondes, des récits d’histoires et de contes du Poitou, et des concerts de Jazz rock expérimental orientalo – balkanique, ou de musique Chilienne.
” Le plus dur, c’est de choisir à quoi participer”, murmurait-on dans la file de la méga-cantine, tenue par des bénévoles qui géraient également les 200 toilettes sèches du campement.
Un des ateliers de vaisselle collective (photo L. Waag) Toilettes sèches
La bonne ambiance de ce village éphémère reposait sur une dynamique d’autogestion où chacun participait à la vie collective. L’entraide, la solidarité et la lutte contre les oppressions étaient les moteurs de cet événement.
Sécurité ? Contrôle ? Vraiment ?
Autour de la manifestation des convois de cyclistes, tracteurs et piétons ont cheminé sur les routes du pays, pour la plupart régulièrement harcelés, contrôlés, et fouillés par les gendarmes, devenus nomades.
L’arsenal répressif déployé tout au long de la semaine pour démotiver des militants venus simplement se réunir et s’informer, fut très conséquent. Il y eut des fouilles, des saisies d’objets multiples sous prétexte qu’ils pourraient s’apparenter à des armes ou bien des objets de défense (bien souvent ridicules : sardines de tentes, lunettes de piscine, casques de vélo, gourdes, appareil à faire des crêpes, réchaud… A savoir que le procureur a formellement interdit de divulguer le contenu de la réquisition des saisies), des contrôles d’identité à répétition plusieurs fois par jour (jusque dans les gares de Niort et Poitiers, sur le simple fait d’arborer des chaussures de randonnée, et de porter un sac à dos de camping), des drones, des milliers de gendarmes mobilisées sur tout le département, et même un hélico qui parle !
En effet, il ne peut s’agir que d’une technique d’agitation des peurs. Les arrêtés d’interdictions de la préfecture dans le cadre du mouvement anti-bassines sont motivés par la partialité de la Macronie dans ce dossier, et par une stratégie de communication, dictée par les lobbies de l’agro-industrie.
Fort heureusement, les intimidations policières, les interdictions et les provocations sont restées sans réponse des militants et n’ont pas empêché de réunir 10 000 manifestants vendredi et samedi à La Rochelle, pour exprimer leur opposition et faire respecter leurs libertés fondamentales
Pour en savoir plus :
Lien vers le témoignage d’un agriculteur ex-conventionnel et irriguant, qui a participé à la mobilisation au port de la Pallice à La Rochelle samedi dernier : https://t.me/STOPmegabassines/218
Lien vers un reportage du journal “Reporterre” : https://reporterre.net/Fouilles-lacrymos-et-incendie-une-manifestation-mouvementee-contre-les-megabassines?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_quotidienne
Lena Waag, « Loutre libère terre » pour le Clairon de l’Atax le 20/07/2024
Tout est dit et fort clairement explicité. Notre indignation et notre révolte contre de telles pratiques de la part des forces dites de l’ordre doit être largement répandues